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préface de l’éditeur posthume Baudoin et la dédicace à Richelieu écrite par Du Boyer[1]. Puis, comme « Malherbe se moquoit de ceux qui disoient qu’il y avoit du nombre en la prose » et que « les périodes des Épîtres de Sénèque sont un peu nombreuses[2] », comme ces Épîtres et surtout le Traité des Bienfaits contiennent des mots archaïques, il est possible que l’auteur y ait travaillé à une époque où il n’avait pas encore en prose la manière et la maîtrise de sa traduction du XXXIIIe livre de Tite-Live, modèle de langue et de grammaire à ses yeux. La traduction de Sénèque présente sous une forme élégante et soignée une foule d’idées qui se retrouvent dans la correspondance et dans les vers du poète. Elle contient même une partie poétique, puisque c’est en vers français que sont rendus les vers latins ou grecs que citait Sénèque. C’est un exercice auquel s’adonnera un autre grand classique, celui qui admira tout un temps Malherbe : La Fontaine traduira en vers les mêmes passages pour la traduction de Sénèque de son ami Pintrel. Malherbe rend ainsi un passage de la première Églogue de Virgile (dont il se souviendra dans l’Ode à la reine mère[3]) :

  1. Malh., II, 261.
  2. Racan (Malh., I, p. LXXXVI). Quand, en 1615, il reçoit le Sénèque que lui a envoyé son cousin de Boutonvilliers, il semble ne plus rien avoir à apprendre dans cet exemplaire : « Si j’eusse cru qu’il n’y eût que cela, je ne l’eusse pas demandé » (Malh., IV, 4.0). Travaillait-il en ce moment à sa traduction, ou était-il occupé à la revoir ? — Il a dû y mettre bien des années s’il n’allait pas plus vite que pour ses écrits originaux.
  3. Malh., I, 215, v. 146-150. Cf. aussi le vers de Varron d’Atax traduit par Malherbe (II, 467) : « Le repos de la nuit avait tout assoupi », et la page qui suit, et ces vers de Malherbe (I, 160) :

    Comme la nuit arrive, et que par le silence,
    Qui fait fies bruits du jour cesser la violence,
    L’esprit est relâché…