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BIBLIOGRAPHIES

moindre, elle est luxuriante, elle déborde ; mais elle n’invente pas pour flétrir ou dénaturer, et dans la peinture de la civilisation russe, elle nous montre presque constamment le bien à côté du mal, les nobles et hautes qualités de l’aristocratie corrigeant l’iniquité des abus et des privilèges. La vraie noblesse est celle qui, par orgueil ou par vertu, se délivre de l’empire du préjugé, échappe à la contagion du pouvoir absolu, s’abaisse même avec des alternatives devant le pouvoir supérieur de l’intelligence et du caractère. Cette noblesse est celle de la princesse Latone, qui a, pour tyranniser son serf, le comte Lazienski, une excuse que toutes les femmes comprendront, c’est qu’elle l’aime.

Nous voudrions pouvoir étudier comme il le mérite, cet ouvrage où le prestige du style égale la science et la verve de la composition. Nous nous contenterons de dire que jamais, de mémoire de conteur, on n’a imaginé de palais plus enchanteur que celui de Thémiranoff, de personnage plus idéalement princier que celui de la princesse Latone, d’assemblage plus amusant et plus pittoresque que sa cour de modèles, formée de marquises et de comtesses. Le comte Lazienski, savant de premier ordre, membre des principales académies d’Europe, noble du Saint-Empire à Paris et à Rome, et serf dès qu’il franchit les frontières de Thémiranoff, est une figure sculptée, calme et forte comme une personnification de l’honneur et de la science… C’est M. Barbey d’Aurevilly qui soutenait un jour que les femmes peuvent écrire une page, mais ne savent pas faire un livre : à ce critique morose et paradoxal nous répondrons : lisez le Roman de la princesse Latone.

Paul Bonnaud.