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FABLES ORIGINALES

Quand Colin recompta le nombre de ses bêtes,
Il vit avec douleur qu’il lui manquait neuf têtes.
Les pleurer fut son lot, c’est celui de beaucoup,
Car les moutons comptés s’en vont avec le loup.


FABLE III.

L’eau bénite de Cour


Une biche éprouvée — il en est en ce monde,
Ne voyait à brouter pas une herbe à la ronde.
La disette, en forêt, comment se procurer
Provende pour se restaurer ?
Elle s’adresse au bouc, le cousin de son père,
Gros sire possesseur d’un hectare de terre.
Il caresse bichette, admire ses yeux noirs,
Dit qu’il apparaîtra chez elle un de ces soirs
Avec gazon nouveau. Nonobstant, la cousine
Pressera le loquet de l’étable voisine.
Le taureau l’habitait. Le bouc serait surpris
S’il ne lui donnait point grands bois et prés fleuris.
Rien que cela, Seigneur !… tant qu’à vous le promettre
Dans le sac aux présents pourquoi ne pas tout mettre ?
Le panier aux oublis encor plus en contient
De ces paroles-là dont nul ne se souvient.
La biche obéissante expose sa détresse
Gentiment au taureau. Le galant s’intéresse
À son sort malheureux. Mais, sans le moindre prêt,
La biche est renvoyée au fond de sa forêt.