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ii
PRÉFACE

L’observation diminue peu le mérite réel de La Fontaine, car s’il avait l’esprit de tous à sa disposition, il avait, en revanche, la tâche ingrate de le condenser dans un récit piquant de quelques lignes, ce qui ne laisse pas que d’être difficile.

L’inventeur, lui, se trouve en présence de ses seuls moyens, mais une imagination riche se charge du travail de la production. Armé de cette baguette des fées, il n’a qu’à dire : je veux composer une fable ! et la fable éclot spontanément dans son cerveau. Point de peines, de combinaisons ; de plan, de réflexions, s’y livrer serait entraver l’activité des facultés créatrices qui lui sont départies. Il doit seulement attendre l’heure de l’inspiration ; jamais la devancer. C’est que la fable est l’indépendance même. Boileau, le sachant, ne l’a soumise à aucune règle. Lorsqu’elle est médiocre, en vain l’apologiste essaie le mieux pour la rendre bonne, il est obligé de convenir qu’il recourt à l’ennemi du bien ; sa fable restera toujours médiocre, elle ne lui permet qu’une légère retouche, un changement de mot, rien de plus.

Voyez nos fabulistes contemporains, hommes d’étude, hommes de lettres, ayant analysé les chefs-d’œuvre des poètes de toutes les nations ; certes, on ne saurait leur reprocher d’avoir négligé leurs fables ; elles sont travaillées ; ont-ils réussi à atteindre à la perfection de La Fontaine comme conteur ? ils sont fort au-dessous de lui. Une abondance de conjonctions alourdit leur style ; souventes fois leur morale diffère du sujet traité. Ces défauts ne leur échappaient pas, ils les voyaient, mais que leur servait-il :