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iii
PRÉFACE

la fable se refuse à la refonte, chaque apologiste est lui.

Gardons-nous de le déplorer ; nous devons à cette particularité des idées personnelles pleines d’ingénuité et de finesses qui constituent l’une des plus sérieuses richesses littéraires dont puisse se prévaloir une époque : elle rend l’avenir tributaire du passé.

En lisant La Fontaine, Dorat, Florian, Dandenne, etc., malgré soi l’on évoque le génie d’Esope, de Locman, de Phèdre, d’Yriarté, de Pilpay : leurs lauriers étendent une ombre sur nos gloires nationales.

Puis songeons que les traductions sont sujettes à vieillir et perdent, alors beaucoup de leur valeur. Nous ne citons plus celles de Pierre Blanchet. Elles firent cependant les délices de nos aïeux, non sans raison, comme on peut en juger par celle du Loup et de l’Agneau :

Un loup beuvant au plus haut cours d’une eau,
Laquelle estait belle, clère, série,
Vit au-dessous de luy boire un agneau,
Auquel il dit (voire par tricherie
Pour prendre noise et donner fascherie)
« Vien ça meschant ! par quelle rêverie
« M’es-tu venu troubler ceste eau icy ? »
A quoi respond l’agneau : je ne sauraye,
Quand ores la puissance,
Certainement le vouloir n’en auraye.
— Tu as menti ! car j’ai la cognessance
(ha dit ce loup) que dès votre naissance
Ton père et toy avec ta mère aussi
M’avez cuidé toujours porté nuisance.
Et pour ce mort encourras sans mercy.