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Le Pavillon Coréen au Champ-de-Mars




I


Perdu sur les frontières ultimes du Champ-de-Mars, adossé à l’avenue de Suffren, le pavillon coréen reste ignoré de la foule : il semble que, par timidité ou modestie, la Corée ait voulu retrouver en ce coin écarté l’image de l’isolement où elle s’est longtemps complu. S’il en est ainsi, elle a réussi, peut-être au delà de ses désirs, car seuls les familiers de l’Extrême-Orient et les amis du jeune empire péninsulaire ont su aller découvrir cette gracieuse installation. Elle vaut cependant la peine, et pour plus d’une raison, d’être visitée. Il y a trente ans, la Corée restait encore dans l’isolement dédaigneux et craintif que, depuis plusieurs siècles, avaient seules interrompu les invasions de ses voisins, des Japonais et des Mantchous. À partir de 1876, elle traite, à demi contrainte, à demi persuadée, avec le Japon, puis avec les États-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, la Russie, la France ; en 1892, après diverses convulsions internes, la situation est à peu près la même, les traités sont exécutés, les étrangers, représentants diplomatiques, missionnaires, commerçants, circulent sans entraves, mais les institutions n’ont guère varié ; avec les étrangers, pas de confiance mutuelle ; à l’intérieur, une administration vieillie, vivant d’expédients, pas de routes, peu de commerce. Après la guerre sino-japonaise et la déclaration d’indépendance, tout change : on copie de plus ou moins près le Japon moderne, on réorganise l’armée et les finances, on donne des concessions de mines, on met en circulation des tramways électriques, des trains de chemin de fer, les étrangers sont partout comme conseillers, professeurs, ingénieurs. L’assimilation avec les États européens est-elle un fait accompli ? non, sans doute, pas encore et fort heureusement. Pour entrer dans le « concert européen », il a fallu vingt-cinq ans au Japon, à partir du jour où il en a conçu le projet, et le Japon, qui y était préparé par deux siècles de fréquentations européennes à Nagasaki, a su garder bien des traits de son génie national. La Corée nouvelle date de cinq ans à peine, il faudra encore quelques années pour qu’une évolution analogue soit réalisée : du moins est-elle entamée de manière, semble-t-il,