Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/121

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simples) supposons d’abord qu’elle soit la même. Admettons enfin que les causes qui influent sur la vérité ou l’erreur du jugement de l’un des observateurs soient complètement indépendantes de celles qui influent sur la vérité ou l’erreur du jugement de l’autre observateur ; qu’elles résident, par exemple, dans les dispositions où se trouvent accidentellement les deux observateurs, au physique et au moral : il y aura une liaison mathématique entre le nombre qui mesure la chance d’erreur pour chaque observateur et le rapport du nombre des cas où ils sont d’accord au nombre des cas où ils émettent des jugements contraires. Si, par exemple, chaque observateur se trompe une fois sur cinq, ou si la chance d’erreur est un cinquième, il arrivera dix-sept fois sur vingt-cinq que les deux observateurs tomberont d’accord dans leurs pronostics ; et le dépouillement du registre devra donner sensiblement ce rapport de dix-sept à vingt-cinq, toutes les fois qu’il comprendra une série assez nombreuse d’observations pour que les irrégularités fortuites se compensent sensiblement. On pourra passer par une formule mathématique du premier rapport au second, ou inversement. Cependant, il est aisé de comprendre que, dans le retour du second nombre au premier, doit se trouver une ambiguïté qui n’existe pas dans le passage direct du premier nombre au second. S’il arrive que les deux observateurs tombent d’accord dix-sept fois sur vingt-cinq lorsqu’ils se trompent tous les deux une fois sur cinq, il est évident qu’ils doivent encore tomber d’accord dix-sept fois sur vingt-cinq lorsqu’ils se trompent tous les deux quatre fois sur cinq, ou lorsque ce n’est plus la chance d’erreur, mais la chance de vérité, qui est égale à un cinquième. Le cas extrême où ils seraient toujours d’accord, sans qu’il y eût de correspondance entre eux, indiquerait manifestement que chacun d’eux dit toujours vrai ou que chacun d’eux se trompe toujours. Cette ambiguïté inhérente à la nature du problème doit se retrouver dans la formule mathématique, et s’y trouve effectivement. Mais si l’on a, a priori, de suffisants motifs d’admettre que la chance de vérité l’emporte sur la chance d’erreur, l’ambiguïté sera levée par cela même. La formule mathématique donnant, par exemple, ces deux systèmes : chance d’erreur, un cinquième ; chance de vérité, quatre cinquièmes,