Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/183

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rapide ; mais nous ne nous formons aucune image du mouvement vibratoire d’un fil tendu qui exécute cinq cents oscillations par seconde, quoique nous ayons de ce mouvement une idée ou une connaissance aussi exacte que s’il était rendu cent fois plus lent, et que par là il donnât prise à la faculté d’imagination dont nous parlons. C’est au singulier développement de cette faculté qu’il faut rapporter certaines aptitudes merveilleuses, telles que l’aptitude à faire, de tête et très-rapidement, des calculs fort compliqués. Cette aptitude n’a rien de commun (comme des personnes, même instruites, sont tentées de le croire à la vue de semblables prodiges) avec le génie mathématique qui s’exerce sur les idées, qui découvre entre elles de nouveaux rapports, ni même avec le talent qui rend apte à suivre et à coordonner les découvertes du génie dans la région des idées, bien que d’ailleurs l’aptitude à imaginer puisse aider le génie ou le talent, comme pourrait le faire une mémoire heureuse, sans qu’on fût pour cela autorisé à dire qu’une mémoire heureuse est la cause déterminante du talent ou du génie. Nous ignorons tout à fait les causes organiques d’une mémoire plus heureuse ou d’une plus grande aptitude à retenir et à construire les images des choses ; mais nous les connaîtrions que nous serions probablement encore très-loin de connaître les causes organiques de la supériorité du génie opérant sur les idées, si tant est que cette supériorité soit imputable à des modifications organiques. La question de savoir si l’animal, si l’enfant en bas âge ont des idées, reviendra pour nous à celle de savoir si quelque connaissance des objets extérieurs et des qualités qui compètent à ces objets se joint, chez l’animal et chez l’enfant, aux images ou aux impressions de la sensibilité ; et comme nous ne doutons pas qu’il n’y ait pour l’animal et pour l’enfant un commencement de connaissance, nous admettrons sans hésitation qu’ils ont des idées, incomparablement moins épurées, moins nettement distinguées de l’impression sensible, que ne le sont celles de l’homme, et surtout incapables chez l’animal de ce perfectionnement indéfini, de ce progrès continuel dont Dieu a réservé à l’homme le glorieux privilège. Et comme, d’un autre côté, nous n’entendons point par idée la capacité de connaître, mais une connaissance effective, il ne sera pas question pour nous d’idée à l’état latent, ni d’idées