Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/127

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Cependant, la jolie fille n’avait pu réprimer un mouvement de dépit en se trouvant seule avec son soupirant. Elle descendit les deux marches du comptoir, ouvrit la grande armoire frigorifique et, sans mot dire, se mit à enfermer les reliefs de triperie rassemblés sur un dressoir.

— Vous êtes comme si sérieuse, ce soir, Mlle Emma ?

Faute de mieux, il avait mis une intention bruxelloise dans ces mots. En vérité, il ne s’était pas attendu à la chance d’un entretien sans témoin. L’occasion le prenait de court sans lui avoir permis de « répéter », et le raccord s’en ressentait.

— C’est vrai, repartit froidement la jeune fille, je n’ai pas du tout l’envie de rire.

Il s’appuyait du coude droit au comptoir, le pouce dans l’entournure du gilet, une jambe croisant l’autre :

— Vous avez du chagrin ? fit-il sur un ton plaisant. Voyons, contez-moi ça, je vous consolerai…

Elle se retourna brusquement dans l’intention de lui décocher quelque verte réplique, mais demeura sans voix devant l’élégante désinvolture de sa pose. D’ailleurs, il essayait son sourire le plus caressant, ses regards les plus magnétiques. En dépit de sa ferme résolution de l’éconduire promptement, elle ne pouvait quand même s’empêcher de le trouver bien fait. Et une honte lui venait de constater qu’elle le méprisait plus de loin que de près.

— Eh bien ! dit-il, vous ne répondez pas !