Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoique très froissé de cette remarque inconvenante, le sellier se contint :

— Ça n’a rien d’étonnant, dit-il d’une lèvre pincée, M. Victor est un fin connaisseur en musique. Quand il est venu à notre petite soirée avant la guerre, j’ai bien vu que ça lui faisait plaisir d’entendre ma fille… Il l’a beaucoup félicitée.

— Mais oui, accorda Vergust en reprenant la marche, c’est un garçon bien poli…

— Non, non, s’écria Buellings, c’est parce qu’il admire ma fille. Je dois dire du reste que ce soir-là Hortense a chanté mieux que sur le théâtre !

Vergust stoppa de nouveau :

— Et bien, c’est dommage que vous ne savez pas entendre Mlle L’Hœst chez les Claes… Ça c’est quelque chose !

À cette remarque, qui réveillait sa rage de n’être plus reçu chez les quincailliers et que terminait une exclamation si dédaigneuse pour le talent de sa fille, le sellier ne put retenir un grincement de dents :

— Ah oui ! celle de Tirlemont !

— L’autre jour, poursuivit le gros homme, elle a chanté en haut pendant que nous faisions la partie en bas dans le magasin. Eh bien, ça est bête à dire, mais je ne savais plus continuer à jeter mes atouts tellement que j’avais des larmes dans mes yeux ! Et puis, après, elle a joué sur le piano un petit air mais si vite, si vite, qu’un piano mécanique n’aurait pas su le faire comme elle. Oh ! tout le monde dit que c’est une artiste de premier ordre…

Et le tripier s’enflammait : Mlle L’Hœst