Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/168

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sans qu’il devînt pour cela volontaire et insupportable. On eût dit qu’il comprenait la joie de sa venue dans cette maison douloureuse et voulait se montrer patient sous les tendresses dont on l’accablait. Sa ressemblance avec son père, quand celui-ci avait le même âge, était telle que l’on pouvait redouter qu’elle ne frappât les personnes qui avaient connu Prosper enfant. Mais les vieilles gens ne s’en réjouissaient que davantage. La vue de cet enfant les rajeunissait d’un quart de siècle et leur cœur, un moment engourdi par le chagrin, s’ouvrait de nouveau aux émotions joyeuses d’une sorte de résurrection du fils bien-aimé. L’âme de Prosper habitait dans ce petit garçon : c’est ainsi qu’elle était immortelle…

Le vieillard goûtait une telle félicité qu’il se demandait parfois s’il ne faisait pas un heureux songe. Mais non, le petit était là qui jouait gentiment et sans bruit à ses pieds ; il le voyait remuer ses cubes coloriés, les juxtaposer avec une attention suivie, une adresse surprenante. Penché sur l’accoudoir de son fauteuil, le paralytique s’intéressait à ses jeux, lui donnait des conseils :

— Hé, Fils, moi, je ferais comme ça. Regarde…

Et du bout de sa canne, il poussait les cubes à la vraie place. L’enfant battait des mains, levait sa jolie tête bouclée et souriait au bonhomme en le remerciant de ce mot qu’il disait le mieux :

— Bon papa !

Camille n’avait qu’un regret, celui de ne pouvoir avouer sa maternité devant tous. Mais quel-