Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/71

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— Vraiment ! s’écria la charbonnière avec une pointe d’impatience à peine dissimulée. J’aurais cru, moi, que l’on gardait ces lettres de soldat comme un trésor…

— Croyez, Madame, reprit Martha avec plus de calme, que ce n’est pas sans un serrement de cœur que nous détruisons ces chers papiers. Mais il le faut. Vous ignorez peut-être que nous sommes spécialement surveillés par un ancien client de mon père.

— Je sais… Un certain Mosheim, se disant Alsacien…

— Prenez garde ! fit le coiffeur qui s’effrayait rien qu’à entendre le nom du voyageur de commerce. C’est un vilain bougre qui ne cherche qu’une occasion de nous dénoncer…

— Je ne comprends pas vos craintes, reprit la charbonnière d’un ton rogue. C’est presque de la naïveté, permettez-moi de vous le dire. Il est si facile de cacher des lettres… Je vous garantis bien que celles de Victor échapperaient chez moi aux plus minutieuses perquisitions…

— Ce n’est pas pareil ! objecta Théodore : Mosheim n’a pas les mêmes raisons de vous en vouloir. Il est furieux contre moi parce que tout le monde se tait quand il vient dans le salon… Alors nous devons nous méfier plus que les autres…

La négociante n’avait plus son air bienveillant. Elle sentait un vif dépit, presque une humiliation de ce que sa politique aimable n’eût pas abouti. Habituée, en femme impérieuse, à ce qu’on lui cédât tout de suite, elle était profondément