Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/84

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jeûner, les vieux Claes écoutaient cette musique aérienne avec un hochement de tête d’impatience contre cet appel à l’adoration d’un Dieu qui permettait tant de massacres inutiles :

— C’est plutôt le Diable qu’il faut prier, murmura le quincaillier ; le Diable ne peut pas être aussi méchant que ce bon Dieu-là !…

La mort de Prosper plongeait le brave homme dans un désespoir d’autant plus profond et inquiétant qu’il n’avait ni cris, ni larmes. Le mois dernier, son état de consomption s’était à tel point aggravé que Mme  Claes en avait été distraite de sa propre douleur ; pourtant, à la faveur du radieux été, le malade commençait à se remettre et, depuis quelques jours, il sortait parfois de son mutisme obstiné.

Occupée à un petit tricot de laine, Mme  Claes remonta ses lunettes en poussant un soupir :

— Et dire qu’il y a des gens qui continuent à avoir la foi !…

— Tant mieux pour eux… En attendant, les cloches peuvent sonner, elles ne feront pas taire le canon…

Mais la cloche ralentissait ses volées ; soudain, au milieu de son dernier branle, un léger cri se fit entendre.

— Est-ce qu’il se réveille ? dit la bonne quincaillière. Ce n’est pourtant pas encore son heure…

Brusquement, elle avait déposé son ouvrage pour se rendre près d’une voiture d’enfant placée dans la pénombre, un peu en deçà de la cabine du téléphone :