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PRÉLIMINAIRE.

le Langage ordinaire, puiſqu’il peut peindre les mêmes objets, les mêmes idées, les mêmes ſentimens, les mêmes paſſions. Il peut également exiſter un Langage de phyſionomie, plus actif & auſſi intelligible que celui de la parole.

Cette variété de Langages, tous aſſujettis à des principes fixes & parfaitement analogues, parce qu’ils ſont tous donnés par la Nature pour peindre le même objet, prouve d’une manière victorieuſe que le Langage n’a pu être l’effet du hazard ; que la Nature nous y conduit par les moyens les plus directs & les plus efficaces, que plus on obſervera la marche qu’elle nous trace à cet égard, plus il ſera aiſé d’en découvrir & d’en expliquer tous les procédés. Rien encore ne prouve mieux que l’homme fut fait pour la parole, que cette diverſité de moyens que la Nature lut donne pour ſaire connoître ſes idées & pour tirer par-là le plus grand parti de l’avantage qu’il a de vivre en ſociété.

En prenant ainſi la Nature pour guide, & la ſubſtituant à ce qui nous manque en fait de monumens ſur l’Hiſtoire naturelle de la parole, on parvient à ſormer un ſyſtême complet ſur l’origine du Langage & de l’Écriture, & ſur les raports que l’un &c l’autre conſervent chez tous les Peuples ; ſyſtême qui s’apuyant ſur tous les Monumens échapés aux ravages du tems, & procédant toujours par des principes très-clairs, nous met enfin en état de jetter un nouveau jour ſur les grandes queſtions que préſente cette matière, & qui ont été dans tous les tems l’objet des recherches des hommes les plus éclairés, & ſur leſquelles les Académies même commencent à jetter les yeux. On a vu en effet paroître depuis quelques années & comme par un concours général, nombre de bons Ouvrages ſur ces objets ; en France, ceux de M. le Préſident de Brosses, de M. l’Abbé Bergier, de M. l’Abbé de Condillac, les Annonces de M. le Brigand, &c. En Allemagne, ceux