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on avance dans la vie, plus on en voit l’inanité. Qu’est la volupté ? Un vain mot ! Qu’est le plaisir ? Une apparence ! Vous me direz que pour un vieux célibataire, la vie de café a bien ses charmes. C’est vrai, mais que d’inconvénients ! À la longue, ça devient monotone, onéreux, et puis il arrive un âge où…

FÉLICIE.

Oh !

DES RILLETTES.

Qu’est-ce qu’il y a ?

FÉLICIE.

J’ai oublié de refermer le robinet de la fontaine.

DES RILLETTES.

Petite bête ! Ça doit être du propre.

FÉLICIE.

Je me sauve. Je vous annoncerai en même temps.

Elle sort.


Scène II

DES RILLETTES, seul
DES RILLETTES, seul.

Pas de cervelle, mais de l’esprit. Cette enfant ne me déplaît pas. L’appartement non plus, d’ailleurs. Ameublement bourgeois mais confortable, bourrelets aux fenêtres et sous les portes… La cheminée (Il s’accroupit devant l’âtre.) ronfle comme un sonneur et tire comme un maître d’armes. (Se laissant tomber dans un fauteuil.) Non, mais voyez donc ce ressort !… Des Rillettes, mon petit lapin, tu me parais avoir trouvé tes invalides et tu seras ici, je te le répète, ni plus ni moins que dans un bain de sirop de sucre. Je te fais bien mes compliments. Du bruit ! Ce sont probablement M. et Mme  Boulingrin.



Scène III

DES RILLETTES, LES BOULINGRIN
DES RILLETTES.

Madame et monsieur Boulingrin, je suis bien votre serviteur.

BOULINGRIN.

Eh ! bonjour, monsieur des Rillettes.

MADAAME BOULINGRIN.

C’est fort aimable à vous d’être venu nous voir.

BOULINGRIN.

Vous tombez à propos.

DES RILLETTES.

Bah !

MADAME BOULINGRIN.

Comme marée en carême.

DES RILLETTES.

J’en suis bien aise.

MADAME BOULINGRIN.

Dites-moi, monsieur des Rillettes…

DES RILLETTES.

Madame ?…

BOULINGRIN, le tirant par le bras gauche.

Pardon ! moi d’abord.

MADAME BOULINGRIN, le tirant par le bras droit.

Non. Moi !

BOULINGRIN.

Non !

MADAME BOULINGRIN.

N’écoutez pas, monsieur des Rillettes. Mon mari ne dit que des bêtises.

BOULINGRIN.

Que des bêtises !…

MADAME BOULINGRIN.

Oui, que des bêtises.

BOULINGRIN.

Tu vas voir un peu, tout à l’heure, si je ne vais pas aller t’apprendre la politesse avec une bonne paire de claques. Espèce de grue !

MADAME BOULINGRIN.

Voyou !

BOULINGRIN.

Comment as-tu dit cela ?

MADAME BOULINGRIN.

J’ai dit : « Voyou ».

BOULINGRIN.

Tonnerre !… Et puis tu embêtes monsieur. Veux-tu bien le lâcher tout de suite !

MADAME BOULINGRIN.

Lâche-le toi-même.

BOULINGRIN.

Non. Toi !

MADAME BOULINGRIN.

Non !

DES RILLETTES, écartelé.

Oh !

MADAME BOULINGRIN.

Tu entends. Tu le fais crier.

DES RILLETTES.

Excusez-moi, madame et monsieur Boulingrin, mais je vois que vous êtes en affaires et je craindrais d’être importun.

BOULINGRIN.

Nullement.

MADAME BOULINGRIN.

Point du tout.

BOULINGRIN.

Au contraire.

DES RILLETTES.

Cependant…