Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/112

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un caractère de dogue, une propreté de goret… plus une petite amie grosse comme deux liards de beurre et rigolote… comme chausson, qui a vraiment le diable au corps pour détailler la chansonnette. Leurs amours ne sont guère, hélas ! qu’un pugilat de tous les instants !…

— Vous me mettez l’eau à la bouche, dit Hamiet : il faut que je fasse au plus vite la connaissance de ces deux vertébrés ! D’autant que l’été touche à sa fin, et que nous n’avons pas une minute à perdre si nous tenons à arriver pour l’ouverture de la saison.

Le don de sécréter les idées, que le ciel lui avait dévolu, se doublait de celui d’en voir par la pensée l’immédiate réalisation ; pareillement ces mères ambitieuses qui voient déjà coiffée du shako bleu de Saint-Cyr la larve informe balancée en leur flanc. Il accueillit avec empressement l’offre à lui faite par Cozal de le conduire – puisque l’absence de Madame lui rendait momentanément son indépendance de garçon – à la Pie-Borgne où Stéphen Hour fonctionnait certainement depuis une grande heure déjà. Dix minutes plus tard, une auto découverte les charriait aux côtés l’un de l’autre, par la grimpade de la rue des Martyrs ; tous deux silencieux et rêveurs, Cozal n’osant croire à sa chance, Hamiet baignant au vent de la nuit son front que cerclaient d’une auréole les bords du chapeau de paille échoué sur sa nuque, et derrière lequel des armées de pensées se battaient confusément avec des régiments de chiffres.

Le cabaret de la Pie-Borgne était situé au bas de la rue des Trois-Frères dont il trouait l’ombre, la nuit, des feux ardents de ses deux lanternes écarlates, et dont il insultait, le jour, la modestie silencieuse et discrète, par le cri strident de