Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/154

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dans l’eau.

En une cuvette géante où un ménage de canards eût pu barboter à son aise, elle plongea jusqu’aux épaules. Ainsi vue de dos, la croupe saillante, elle apparut un instant comme sans tête, toute rose en haut par la chair de ses bras, toute noire en bas par ses bas de curé dont on sentait à travers la chemise se prolonger le deuil à mi-cuisses. S’étant redressée, elle déchaîna un vacarme d’inondation et elle demeura aveuglée, battant l’air de ses mains éperdues avec des cris aigus de moutard débarbouillé à l’eau de puits :

— Misère en Prusse, que c’est froid ! Brr ! Brr ! Brr !… Madame Tourdebec, la serviette !… Vite, vite, Madame Tourdebec !

Déjà, elle était devant Cozal, lui présentant sa joue rebondie, séchée en un tour de main, et que la fraîcheur de l’eau avait enluminée en ton de pomme d’api.

Lui, l’embrassa de tout son cœur.

— Bon petit chat ! murmura-t-il.

Puis, à demi-voix :

— Ah fichtre ! Ah sapristi ! Ah diable ! je n’aurais jamais cru cela de vous !

— De moi ? demanda Hélène. De moi ? Qu’est-ce que vous n’auriez jamais cru ?

Elle le regardait, intriguée des airs entendus qu’il prenait, du rire malin et mystérieux dont il compliquait son mutisme. Brusquement elle comprit, à voir sur le clair-obscur de son jeune corps bâiller l’échancrure de sa chemise, tandis que lui, s’émerveillant, appréciait : « Très bien ! très joli ! » comme un spectateur bien placé qui goûte le jeu d’une comédienne ou applaudit au cinéma le relief d’une projection bien venue. Elle eut pour la forme le petit cri d’une Diane surprise, qui s’en