Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/248

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sa chose, son bien, comme sa montre ou son porte-monnaie, et je ne vois pas qu’il y ait moins de malhonnêteté à lui dérober l’un que l’autre. Pour mon compte, si jamais je pinçais un ami, fût-ce le plus ancien et le meilleur, à me tromper avec ma maîtresse, je lui casserais les reins sans l’ombre d’un scrupule, persuadé d’ailleurs que toi-même…

Mais il m’interrompit :

— Alors, tout de bon, tu te figures que je pourrais hésiter un moment entre un vieux camarade d’enfance comme voilà toi, et Angèle, que j’ai ramassée je ne sais plus où et qui n’est jamais qu’une grue, pour en finir ?

— Ne parle donc pas comme ça, lui dis-je ; Angèle est une brave et une excellente fille, qui s’est toujours bien conduite avec toi et qui a plus à se plaindre de toi que tu n’as à te plaindre d’elle. Ce que tu viens de dire est une lâcheté.

Il comprit qu’il avait lâché un mot de trop, car il rougit légèrement.

— Enfin, conclut-il, c’est bien simple : si tu tiens le moins du monde à Angèle, prends-la ; laisse-la si tu n’en veux pas, mais sois sûr que je me fiche de l’un comme de l’autre. Je t’avertis que dimanche prochain je passe la journée à la campagne, ce qui fait qu’Angèle sera seule. À bon entendeur, salut ! Tu feras ce que tu voudras.

Et là-dessus, nous nous séparâmes.


III

Ceci se passait un jeudi.

Le dimanche, – ce fut comme un fait exprès, – je m’éveillai plus tôt qu’à l’ordinaire, et tout de suite l’i