Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/249

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dée d’Angèle m’arriva. Car enfin, il faut bien dire la vérité : Laurianne, en me demandant « si elle me plaisait », ne m’avait pas posé une question si bête ; elle me plaisait certainement, elle me plaisait même beaucoup. Vous comprenez, on a beau ne plus être un gamin et avoir passé l’âge où l’on tombe en extase devant les figures de cire des devantures de perruquiers, vous, moi, tous enfin, tant que nous sommes, nous n’en avons pas moins, comme dit le poète, le cochon qui nous dort dans l’âme et auquel il n’en faut pas lourd pour s’éveiller. Or, je ne sais rien de dangereux comme ces jeux de mains avec les femmes ; ça vous fiche dedans, avant même qu’on ait eu le temps d’y penser, et c’est tout justement ce qui m’était arrivé avec la femme de Laurianne : à force de lui lancer des calottes pour rire et de la bousculer dans les coins, j’avais fini, non, si vous voulez, par en devenir amoureux, mais tout au moins par la désirer violemment.

Naturellement j’avais gardé cela pour moi ; mais depuis le jour de notre entrevue, j’avais vécu dans un état d’hésitation et de perplexité extrême, tellement cet imbécile m’avait bouleversé les idées avec ses airs d’indifférence. C’est vrai, les histoires de lassitude rapide, les protestations de satiété et de désintéressement, tout cela avait été dit avec une telle apparence de sincérité que, ma foi, je m’y étais presque laissé prendre.

Je restai donc une grande demi-heure à me retourner d’un flanc sur l’autre en me demandant ce que j’allais faire, conservant toujours dans l’oreille l’écho de la phrase de Laurianne : « Je t’avertis que dimanche prochain je passe la journée à la campagne, ce qui fait qu’Angèle sera seule », également partagé entre le désir de la femme et le désir non