Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/250

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moins ardent de m’épargner une action dont, malgré tous mes raisonnements et mes tentatives de conciliation avec ma propre conscience, je sentais bien que je me repentirais plus tard.

Toujours la vieille histoire d’Hercule entre la vertu et la volupté.

Et, en somme, le cas était embarrassant : car, d’une part, si j’ai été créé avec la répugnance innée des petites saletés de l’espèce en question, d’autre part j’ai toujours pensé que l’homme ne pouvait rien tant regretter au monde que d’avoir manqué par sa faute la femme qu’il convoitait et qu’il eût pu avoir.

Pour en finir, je me décidai brusquement. Je sautai à bas de mon lit, je mis mon pantalon et mes bottes et je filai d’une seule traite à Montmartre, priant le bon Dieu pour que Laurianne y fût et le diable pour qu’il n’y fût pas.

Ce fut le diable qui m’écouta.

Angèle vint m’ouvrir.

— Tiens, c’est toi !

(Parce qu’il faut vous dire que nous nous tutoyions.)

— Oui, dis-je tranquillement, c’est moi ; comme je passais dans le quartier, je suis monté vous dire bonjour.

— Tu es bien aimable, reprit-elle ; seulement, tu sais, Charles n’y est pas. Il est allé à la campagne et il ne reviendra que demain. Ça ne fait rien, entre tout de même.

J’entrai.

Elle était encore en tout matin, n’ayant sur elle qu’une méchante camisole et un jupon qui, à chaque pas qu’elle faisait, lui dessinait les jambes à travers la chemise. Moi, naturellement, j’avais pris une figure de circonstance, l’air