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Une Lettre chargée

La Brige. — Du soir ?… Parfait ! Les ministères ferment à cinq.

L’employé. — Monsieur, j’en suis désolé ; mais avec la meilleure volonté du monde, il n’est pas possible à la poste de modifier les heures du courrier à seule fin de les faire concorder avec vos heures de présence au ministère de l’Intérieur.

La Brige. — Alors ?

L’employé. — Alors…

Geste vague.

La Brige. — Alors, c’est bien ce que je pensais ; nous passerons, le facteur et moi, la moitié de notre existence à tenter de nous rencontrer, et l’autre moitié à flétrir la fatalité exécrable qui nous isolera, moi et lui, trois fois chaque jour, à heures fixes, sur des points différents du globe. Cependant sciemment et de sang froid, vous persisterez à détenir entre vos mains une somme d’argent dont j’ai besoin et que vous savez être à moi au point de n’en pouvoir douter ?

L’employé. — Monsieur…

La Brige. — Monsieur, cela est trop absurde. Si je connais bien le règlement, le destinataire d’une lettre chargée entre en possession de son dû moyennant décharge au facteur par lui donnée sur un petit livre à cet effet ?

L’employé. — Oui.

La Brige. — Ceci sans le concours d’aucun contrat d’assurance, d’aucune