apporte les journaux ! Tous ! Notez bien; il les lui faut tous, à ce monsieur! Une fois qu'il a les journaux : « Garçon, les cartes ! »
Pour quoi faire ?
Pour se faire des réussites.
Si ça m'amuse, moi ? C'est mon droit, de me tirer la bonne aventure.
Parbleu !
Bon ! On lui apporte des cartes, a Garçon, le jacquet !
Le jacquet !... Pour jouer tout seul ?
Non, pour m'asseoir dessus.
Il trouve que mes banquettes sont trop basses.
Et trop molles. On est assis comme dans de la pommade, ça me dégoûte.
En supposant, il me semble que le Bottin....
Impossible! Je m'en sers pour chercher des adresses.
Il fallait le dire tout de suite. Vous vous en emparez aussi?
Dame ! Mon client en a besoin pour faire sa correspondance.
C'est sûr !
Très bien, très bien. Achevez, monsieur Alfred.
Naturellement, privés de journaux...
.. privés de Bottin...
... privés de jacquet...
... privés de cartes...
... mes habitués les uns après les autres avaient déserté le Pied qui remue. Quelques-uns s'étaient bien rejetés, faute de mieux, sur le domino à quatre ; malheureusement, le raclement de l'os sur le marbre exaspère M. Lagoupille, en sorte que ces pauvres gens, ahuris des rappels à l'ordre et des réclamations continuelles de ce personnage, s'étaient vus rapidement contraints de renoncer à leur suprême distraction. Je les perdis à leur tour !
Je vous crois sans peine.
M. Lagoupille demeura donc le seul client d'une maison jadis florissante. Or, est-ce que l'autre soir, après avoir comme à son ordinaire accaparé tout mon matériel, il n'émit pas la prétention de me faire éteindre le gaz, disant qu'il voulait désormais être éclairé à la bougie ?
J'aimais aux yeux !...
Ceci mit le comble à la mesure. Je déclarai à M. Lagoupille que j'en avais par-dessus les épaules et que je le priais d'aller voir ailleurs et si j'y étais. Il me répondit...
Je demande la parole, j'ai une question à poser.
Monsieur le substitut ?...
Je n'y vois aucun inconvénient.
Parlez, maître !
Je désirerais savoir si le plaignant n'a pas passé en cour d'assises, il y a une quinzaine d'années, pour attentat à la pudeur !...
Moi !...
Maître !
C'est une infamie ! C'est une abomination ! C'est de la pure scélératesse !
J'invite la partie civile à user de termes plus modérés.
Mais enfin, monsieur, c'est odieux ! Je suis un honnête homme, moi ! Je suis un bon père de famille ! On peut prendre des renseignements dans mon quartier !... Et voilà, à cette heure, qu'on essaye de me déshonorer devant tout le monde, en répandant des bruits sur moi !
Calmez-vous !
Monsieur, c'est ignoble !
Je ferai remarquer que le plaignant ne répond pas à ma question. Il préfère se retrancher prudemment derrière des invectives grossières.
A de pareilles insinuations, on ne répond que par le mépris !
Oui, enfin, tranchons le mot, vous niez ?...
Certes, je nie !
C'est ce que je voulais vous faire dire. Je n'insiste pas. Le tribunal appréciera.
Se rassoit.
L'incident est clos! Continuez!... Eh bien, parlez, monsieur Alfred !
Parlez!... Parlez!... Je ne sais plus où j'en étais, moi. On me coupe la chique avec des histoires pareilles.
Il faudrait en finir, cependant.
C'est mon avis.
El le mien.