Page:Courteline - Un client sérieux, 1912.djvu/97

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Une chambre à coucher sans grand luxe. Un lit de milieu, qui s’avance face au public. Prés du lit, un petit chiffonnier. A gauche, une cheminée surmontée d’une glace et supportant une lampe qui brûle à ras de bec. Au milieu, un guéridon, avec buvard et écritoire. Chaises et fauteuils. — Il est sept heures du matin, l’aube naissante blêmit mélancoliquement dans les ajours des persiennes closes.

Entrent, par la droite, l’un suivant l’autre :

Elle, enveloppée jusqu’aux chevilles d’une sicilienne lilas doublée en chèvre du Tibet. Nouée avec soin sous son menton, une capuche de Malines emprisonne son jeune visage, confisquant son front et ses cheveux ;

Lui, enfermé dans sa pelisse comme un burgrave dans son serment. Un chapeau à bords plats le coiffe. Il tient une allumette bougie dont le courant d’air de la porte écrase la flamme, puis l’éteint.


Lui. — Flûte !

Elle. — Ne te gêne pas pour moi. Ça me contrarierait.

Lui, qui depuis une demi-heure attendait le moment d’éclater. — Toi, tu vas nous fiche la paix.

Un temps.

Elle. — Qu’est-ce qu’il y a encore ?

Lui. — Tu m’embêtes.

Elle. — On t’a vendu des pois qui ne voulaient pas cuire ?

Lui. — C’est bien. En voilà assez. Je te prie de me fiche la paix.

Elle, à part. — Retour de bal. La petite scène obligée de chaque fois. Ah ! Dieu !…

Lui, enflamme une allumette, va à la lampe dont il soulève le verre. Puis :

Lui, à mi-voix. — Ce n’est pas la peine. Il fait jour.

Elle, qui enlève sa mantille et sa pelisse et qui s’étonne de le voir rouler une cigarette. — Eh bien, tu ne te couches pas ?