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INTRODUCTION.

la sienne ; justice aura etc faite à tout le monde excepté au peuple. D’oi’i vient cet oubli ? Pourquoi ne s’est-on pas mis en peine de recueillir les matériaux de cette histoire ? C’est qu’on ne se doutait probablement pas qu’il y en eut une. Il est vrai qu’elle n’est guère enregistrée ni dans les cartulaires, ni dans les chroniques ; elle existe pourtant ; elle est consignée dans les poésies populaires. »

En effet, et ainsi que nous l’avons déjà dit [1], ce sont les chants populaires qui révèlent l’existence, pour ainsi dire, entière d’une nation, sa vie intime encore plus que sa vie extérieure ; ce sont ces chants qui font connaître son état moral, ses joies, ses souffrances, en un mot tous les sentiments qu’a pu lui faire éprouver la situation sociale au milieu de laquelle il a vécu. A aucune époque on ne s’est autant occupé qu’à la nôtre de rechercher et de publier les cartulaires, les chroniques, les archives politiques, religieuses, administratives, commerciales et artistiques, tous les documents enfin qui sont de nature à retracer l’histoire des grands, du clergé et du tiers état. C’est à qui des principaux gouvernements européens l’emportera en ardeur dans l’exploration des bibliothèques, des archives et de tous les dépôts tant publics que particuliers pour en extraire les matériaux oubliés ou négligés. En est-il de même des documents relatifs à l’histoire du peuple ? les a-t-on rassemblés ? y a-l-on donné l’attention qu’elles méritent ? occupent-elles dans les études historiques de la civilisation le rang qui leur appartient ? A toutes ces questions, on peut sans hésitation répondre négativement.

Chez plusieurs nations et notamment chez celles d’origine septentrionale on a été moins oublieux, moins indifférent que chez les autres à l’égard des traditions et de tout ce qui peut donner quelques éclaircissements sur l’origine et les mœurs primitives de leur race. Là ont été recueillis et publiés, là se rassemblent et s’impriment chaque jour des documents de cette nature. Depuis les légendes les plus étendues jusqu’aux chansons les plus minimes, tout est mis au jour, rien n’est oublié. Et ce n’est pas, qu’on le remarque bien, pour satisfaire à un sentiment de vaine curiosité qu’ont lieu ces investigations. Ceux qui s’y livrent ont des vues plus élevées, ils veulent étudier l’histoire de leurs ancêtres sous tous ses aspects. Pour en connaître tous les éléments, ils veulent assister non seulement à leur vie extérieure et officielle, mais encore et surtout à leur vie intime. Ils veulent en quelque sorte s’asseoir au foyer domestique du peuple.

  1. Prospectus du présent ouvrage, publié en 1853.