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LA GÉOMÉTRIE

au moyen de n coupures. Cela posé, l’objet essentiel de la Topologie, ce sont les connexions des surfaces et, plus généralement, les relations de contiguïté et de continuité entre les points des lignes et des surfaces, abstraction faite de la grandeur de ces figures et même de leur forme. Plus précisément, les connexions sont les invariants des transformations biuniformes et continues, de sorte que ces transformations sont les seules qu’admette la Topologie. Qu’on imagine un écheveau de fils emmêlés et noués, une ou plusieurs surfaces tordues et enchevêtrées, et qu’on les déforme sans rien couper ni déchirer (comme si ces fils et ces surfaces étaient réalisés en une matière parfaitement ductile et élastique), sans rien coller non plus : on aura une idée des transformations qui caractérisent la Topologie. Peu importe que les lignes soient droites ou courbes, que les surfaces soient planes ou gauches ; peu importe leur grandeur relative, on peut les étendre ou les rétrécir indéfiniment, pourvu qu’on n’y introduise aucune solution de continuité (ni aucune connexion nouvelle). Le nœud gordien était un problème de Topologie ; tous les nœuds, toutes les « questions d’Orient » en sont d’autres[1]. Qu’un homme qui a les mains liées puisse retourner son gilet et le mettre à l’envers, c’est une proposition de Topologie.

Mais cette science n’a pas seulement pour objet l’étude des connexions[2] et d ailleurs la notion de connexion ne peut être considérée comme primordiale. En effet, cette notion se définit, on l’a vu, au moyen de celle de courbe fermée ; or celle-ci est déjà fort complexe et difficile à définir. Elle donne lieu à une proposition fondamentale de la Topologie, que voici : « Une

  1. Une fameuse question de Topologie est le problème des ponts de Kœnigsberg traité par Euler : la ville de Kœnigsberg comprenant une île reliée par plusieurs ponts aux rives de la Pregel, il s’agissait de décrire un chemin fermé qui passât une seule fois par chacun de ces ponts. Voir Rouse-Ball, Problèmes et récréations mathématiques. Paris, Hermann, 1898.
  2. Par exemple, la question du nombre des couleurs nécessaires pour distinguer les régions d’une carte géographique relève de la Topologie. Voir P. Wernicke, Ueber den karlograpkiscken Vierfarbensatz, ap. Math. Annalen, t. LVIII (1904), où l’on trouvera une bibliographie de cette question curieuse.