Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/248

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disant qu’elle doit comprendre les jugements de relation, puisque Kant l’appliquera plus tard à de tels jugements (par ex. : 7 + 5 = 12)[1] ; mais c’est là une inférence interprétative que rien dans le texte ne parait justifier. Tout au contraire, Kant, préoccupé d’établir la généralité de sa définition, n’a pensé qu’à une chose : c’est qu’elle ne s’appliquait qu’aux jugements affirmatifs, et alors il a ajouté entre parenthèses qu’on peut aisément l’étendre « ensuite » aux jugements négatifs[2]. Il n’en est pas moins vrai qu’il a commencé par admettre que « tous les jugements » consistent à « penser le rapport d’un sujet à un prédicat », et que ce rapport est toujours le rapport de prédication, exprimé par la copule est.

Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par toutes les explications ultérieures de Kant. Les jugements analytiques « n’ajoutent rien au concept du sujet », ils ne font que « le décomposer par démembrement en ses concepts partiels » ; tandis que les jugements synthétiques « ajoutent au concept du sujet un prédicat… qui n’aurait pu en être tiré par aucun démembrement » (B. 11). C’est ce que Kant montre (ou croit montrer) par les exemples suivants : Le jugement « Tous les corps sont étendus » est analytique, parce qu’il n’est pas besoin de « sortir » du concept de corps, il suffit de le décomposer pour y trouver l’attribut « étendu ». Le jugement « Tous les corps sont lourds » est synthétique, parce que « le prédicat

  1. Commentar zu Kant’s Kritik der reinen Vernunft, I, 254. Par là même, le savant commentateur de Kant reconnaît implicitement l’insuffisance que nous signalons.
  2. Et en effet, les jugements négatifs peuvent se ramener à des jugements affirmatifs (de même quantité), en faisant porter la négation sur le prédicat (sur lequel d’ailleurs elle porte en réalité). Toutefois, nous devons dire-que liant n’admet pas cette réduction : il déclare au contraire que la négation logique ne porte jamais sur un concept, mais sur le rapport de deux concepts, c’est-à-dire sur le jugement (B. 602). Dans cette conception, on doit considérer la proposition universelle négative comme la négation de la particulière affirmative, et la particulière négative comme la négation de l’universelle affirmative. Mais alors on n’a plus le droit de dire, comme Kant le fait perpétuellement, que dans un jugement analytique (négatif) « on ne sort pas » du concept du sujet : car si l’on interprète « Nul A n’est B », non comme l’inclusion de non-B dans A (« Tout A est non-B »), mais comme l’exclusion de A et de B, on ne trouve pas dans A la raison de cette exclusion. Cf. Koppelmann op. cit.