Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/267

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aux concepts mathématiques. La même exigence presque naïve se manifeste dans un autre passage : « Je ne pense le nombre 12 ni dans la représentation de 7, ni dans celle de 5, ni dans la représentation de la réunion (Zusammensetzung) des deux » (B. 205). Que le concept de 12 ne soit contenu ni dans 7, ni dans 5, cela est trop évident ; mais qu’il ne soit pas contenu dans la « réunion » de 7 et de 5, cela est justement la question : et cela dépend de ce qu’on entendra par « réunion ». Kant a si bien senti la faiblesse de cet argument, qu’il ajoute une parenthèse où il paraît faire une distinction subtile entre « réunion » et « addition » : « Que je doive penser le nombre 12 dans l’addition des deux, il n’en est pas question ici » (il nous semble, au contraire, que c’est bien là la question), « car dans un jugement analytique il s’agit seulement de savoir si je pense réellement le prédicat dans la représentation du sujet. » On croirait, au premier abord, que Kant se réfugie ici dans une considération d’ordre psychologique, en distinguant ce qu’on doit penser et ce qu’on pense réellement : à quoi l’on répondrait que, s’il ne pense pas réellement le prédicat dans la représentation du sujet, c’est qu’il ne se représente pas réellement celui-ci : il est clair que si l’on se contente d’une pensée symbolique (comme disait Leibniz), c’est-à-dire de la représentation des signes 7, +, 5, on n’aura pas par là l’idée du nombre 12 ; mais si l’on pense réellement 7 unités d’une part, 5 unités d’autre part, et qu’on les pense réellement comme réunies en un seul nombre (ce qui est le sens du signe +), on pensera par là même nécessairement le nombre 12.