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LES DÉMONSTRATIONS GÉOMÉTRIQUES.

[283] Enfin, pour prouver que les démonstrations géométriques reposent sur l’intuition, Kant considère le théorème connu : « La somme des 3 angles d’un triangle est égale à 2 droits », et il constate que pour le démontrer on a recours à une construction ; celle-ci a pour but de produire 3 angles qui soient, d’une part, égaux aux 3 angles du triangle, et dont, d’autre part, la somme soit intuitivement égale à 2 droits (B. 744).

Il semble donc que, selon Kant, on ne puisse pas démontrer un théorème de Géométrie sans construire une figure et mener des lignes auxiliaires, et que toute construction implique nécessairement un appel à l’intuition. Or ni l’une ni l’autre de ces propositions n’est justifiée. Pour commencer par la seconde, une démonstration géométrique n’est valable que si elle ne repose pas sur un appel à l’intuition : tout le monde sait qu’il ne faut jamais invoquer les propriétés apparentes de la figure, et que l’on peut commettre ainsi des sophismes dont quelques-uns sont classiques. Il en est de même des constructions auxiliaires : on ne doit pas mener une ligne, fixer un point et invoquer ensuite leur position, sans démontrer que ces éléments existent, et sont bien situés là où on les a figurés. D’ailleurs, quand on parle de construire telle ou telle figure, c’est là une façon de parler anthropomorphique, une métaphore empruntée à la pratique : les figures que l’on trace, c’est-à-dire que l’on réalise empiriquement, existent déjà idéalement, en tant qu’elles sont prédéterminées par les données de la question. Quand on dit : « Joignons les deux points A et B », cela signifie [284]