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VI
AVANT-PROPOS

Logique de plus en plus exacte et raffinée ; l’instrument indispensable de cette nouvelle Logique est la « logique symbolique » inventée par M.  Peano, pratiquée par toute une école de mathématiciens et perfectionnée par M.  Russell. C’est grâce à cette Logistique (comme nous l’appellerons désormais) qu’on a pu soumettre toutes les théories mathématiques à une analyse précise et subtile, et les reconstruire logiquement avec un petit nombre de données fondamentales (principes et notions premières). C’est grâce à elle que M.  Russell a pu, en complétant sur certains points ce travail de réduction logique, systématiser tous les résultats acquis en une vaste et profonde synthèse, qui est la quintessence des travaux antérieurs, et qui manifeste l’esprit même de la mathématique moderne.

Cet esprit se trouve être diamétralement opposé (d’autres philosophes l’ont remarqué comme nous) à la philosophie des mathématiques de Kant, qui a encore beaucoup de crédit dans les écoles. C’est pourquoi nous avons saisi l’occasion qui se présentait à nous de confronter cette philosophie avec celle qui se dégage implicitement de la mathématique contemporaine [1]. Comme le contraste même est propre à mieux faire comprendre celle-ci, et à faire apprécier l’originalité de la doctrine dont nous nous faisons l’interprète, nous avons cru devoir joindre cette étude historique en Appendice à cet ouvrage. On a reproché à cette étude de n’être pas assez historique, de ne pas se replacer suffisamment au point de vue et au temps de Kant. Assurément, nous n’avons pas cru devoir en éliminer toute préoccupation critique ou dogmatique. Mais, alors que tant d’historiens ont profité du centenaire de la mort de Kant pour comparer sa doctrine aux idées du temps présent, et ont cru pouvoir la louer de s’accorder avec elles, en vanter la vitalité et la modernité, nous avions bien le droit d’instituer, en un autre domaine, une comparaison semblable et d’en tirer, dans ce domaine, des conclusions moins favorables au kan-

  1. Voir la Revue de Métaphysique et de Morale, janvier-mars-juillet-novembre 1904, mars 1905.