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« Prince, dit Meng tzeu, ne vous étonnez pas que le peuple vous ait taxé d’avarice. Vous avez offert un petit animal au lieu d’un grand. Comment le peuple aurait-il deviné vos véritables sentiments ? Mais, prince, si vous avez eu compassion d’une victime innocente qui allait à l’immolation, pourquoi avez vous mis une différence entre le bœuf et la brebis ? » Le prince sourit, et dit : « Quel sentiment a donc déterminé ma préférence ? Certainement, ce n’a pas été par avarice, et en considération de la valeur du bœuf, que je lui ai substitué une brebis. Néanmoins, le peuple devait penser et dire que c’était par avarice. » « Peu importe le dire du peuple, reprit Meng tzeu ; c’est votre bon cœur qui vous a suggéré cet expédient. Si vous avez eu compassion du bœuf, et non de la brebis, c’est que vous aviez devant les yeux le bœuf, et non la brebis. Le sage, après avoir vu les animaux vivants, ne peut souffrir de les voir mourir ; après avoir entendu les cris de ceux qu’on égorge, il ne peut se résoudre à manger leur chair. Pour cette raison, il place loin de ses appartements la boucherie et la cuisine. »