Page:Crébillon - La Nuit et le Moment.djvu/208

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baissés, dans un morne silence, j’attendis qu’elle jugeât à propos de s’asseoir. Enfin elle tomba dans un grand fauteuil, la tête appuyée sur une de ses mains, & tout-à-fait dans l’attitude de quelqu’un qui rêve douloureusement. Je ne l’y vis pas plûtôt, que je courus me jetter à ses genoux. Elle me repoussa d’abord avec assez de violence ; mais enfin je saisis la main cruelle qui me repoussoit, & l’accablai des baisers les plus ardens. Elle fit, pour la retirer, quelques efforts, dont, tout exagérés qu’ils étoient, je sentis aisément la mollesse. J’ôsai alors la serrer dans mes bras, mais plus avec l’affectueuse tendresse de l’amour qu’avec la brusque pétulance du desir. Quoique je ne crusse pas avoir à la ramener de bien loin, & que sa colère m’eût peu allarmé, je ne pouvois, après le manque de respect dont elle se plaignoit, & qui, à dire la vérité, avoit été un peu violent, ne pas paroître la croire aussi fâchée qu’elle affectoit de l’être, sans lui donner peut-être