Page:Crébillon - La Nuit et le Moment.djvu/36

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c’étoit une obligation que l’on avoit à la Philosophie moderne.

CLITANDRE.

Je croirois bien aussi qu’en cela, comme en beaucoup d’autres choses, elle a rectifié nos idées ; mais qu’elle nous a plus appris à connoître les motifs de nos actions, & à ne plus croire que nous agissons au hazard, qu’elle ne les a déterminées. Avant, par exemple, que nous sçussions raisonner si bien, nous faisions sûrement tout ce que nous faisons aujourd’hui ; mais nous le faisions, entraînés par le torrent, sans connoissance de cause, & avec cette timidité que donnent les préjugés. Nous n’étions pas plus estimables qu’aujourd’hui ; mais nous voulions le paroître, & il ne se pouvoit pas qu’une prétention si absurde ne gênât beaucoup les plaisirs. Enfin, nous avons eu le bonheur d’arriver au vrai : eh ! que n’en résulte-t-il pas pour nous ? Jamais les femmes n’ont mis moins de grimaces dans la société ; jamais l’on n’a moins affecté la vertu. On se plaît, on se prend. S’ennuye-t’on