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journal du siège de paris.

le-pont et Charenton. Aux acclamations qui saluèrent ces braves troupiers, un malheureux provincial, accompagné de sa fille, a mêlé le cri de Vive l’Empereur ! On a manqué l’écharper sur place, pendant que sa fille, folle de terreur, était prise d’une attaque de nerfs. Il ne fait pas bon, en ce moment, d’être bonapartiste. Comme il faut une victime expiatoire, c’est l’Empereur que l’on rend responsable des malheurs de la patrie. Tout le monde dit aujourd’hui que la France était opposée à la guerre, que Napoléon III seul a voulu attaquer la Prusse, afin de mieux asseoir sa dynastie. Pourtant, Paris en masse demandait les bords du Rhin il y a deux mois. Non seulement Paris, mais toute la France a poussé le cri : À Berlin ! Depuis 1866, on a reproché chaque jour à l’Empire de n’avoir pas vengé Sadowa. Les journaux de l’opposition n’ont pas cessé un instant de rendre l’Empereur responsable de ce qu’ils appelaient l’humiliation de la France. Malheureusement les Français, impérialistes et républicains, ne soupçonnaient pas la formidable puissance militaire dont la Prusse vient de donner une preuve si rapide et si foudroyante. Napoléon vaincu a tous les torts. Quand on est empereur des Français il ne faut jamais être vaincu, ou, si la victoire fuit votre drapeau, il faut toujours savoir garder la gloire en se faisant tuer à la tête de l’armée. La victoire ou la mort ! Un Parisien ne sort pas de là. Aujourd’hui, il y avait dans l’air cette odeur âcre de bois brûlé qui se produit quelquefois à Québec quand le feu est dans la forêt.