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journal du siège de paris.

plus grande partie de la capitale restera toujours à l’abri des projectiles allemands, et si le bombardement de la rive gauche devient trop violent, les habitants viendront chercher un abri sur la rive droite. On prétend qu’il y a de bonnes nouvelles de la province : Chanzy aurait battu le prince Frédéric-Charles. Le commandant de l’armée de la Loire est maintenant l’idole des Parisiens, qui lui prêtent le génie de Napoléon Ier pour avoir le plaisir de démolir Trochu, qui vient de déclarer officiellement qu’il ne capitulera pas. Je crois que cette déclaration du gouverneur de Paris est une imprudence. Le commandant en chef d’une ville de deux millions d’âmes ne doit pas dire qu’il ne capitulera jamais, car il arrive toujours un moment où il faut mettre bas les armes devant ce général invincible qui s’appelle la famine. Trochu a voulu avoir sa petite phrase à sensation comme son collègue Jules Favre, qui a été porté aux nues parce qu’il a écrit : « Ni un pouce de notre territoire, ni une pierre de nos forteresses. » Un homme politique ne doit pas brûler ses vaisseaux. En le faisant, Jules Favre se trouvera obligé, pour ne pas se désavouer lui-même, de faire une guerre à outrance, que ne permettront peut-être plus les ressources épuisées de la France.

Samedi, 7 janvier. — Température assez douce. Aprè-smidi, je suis allé au quartier latin. Près du jardin du Luxembourg, un obus, lancé de Châtillon, c’est-à-dire à une lieue et demie de Paris, est venu éclater sur le boulevard Saint-Michel, à deux cents pas devant moi.