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L’ÉTOILE.

Eh bien ! c’est l’homme que j’ai fui.

DESTIN.

Celui que son tuteur voulait lui faire épouser.

LA RANCUNE.

Comment ! le marquis ? L’enlèvement qu’il racontait… c’était… Ah ! je vous ai mis là dans une jolie position.

DESTIN.

Que faire à présent ?

L’ÉTOILE.

Et cet homme, tout à l’heure, a parlé de soldats qui te cherchent. J’ai peur, Destin, j’ai peur !

DESTIN.

Léonore, chère Léonore, ne crains rien !

L’ÉTOILE.

Ce n’est pas pour moi que je tremble, c’est pour toi ; je connais les lois sur le duel.

LA CAVERNE, à droite, montrant sa tête, à part.

Un duel !

DESTIN.

Ah ! qu’avons-nous fait, Léonore ? J’ai été bien coupable ! Je n’aurais pas dû t’exposer à de pareils dangers. Vois-tu l’idée que je pourrais te laisser, seule, sans défense.

DESTIN.

Mais que faire, la Rancune ? que faire ?… Un conseil…

LA RANCUNE.

Je ne sais pas, moi !… Il faut qu’elle retourne à Paris, qu’elle aille se jeter aux pieds de son tuteur, qu’elle lui dise que ce n’est pas sa faute, qu’elle était distraite quand on l’a enlevée… que… que… ça ne compte pas !… que sais-je ?…

L’ÉTOILE.

Te quitter, au moment où un danger te menace ?… Non… non ! C’est maintenant, plus que jamais, que je veux rester auprès de toi.

LA RANCUNE.

Brave petit cœur !… Ah ! si j’avais été aimé comme ça à Angoulême, en 1628, l’année du siège de La Rochelle… Eh bien, non, vous êtes trop gentils, vous ne nous quitterez pas !

DESTIN.

Que dis-tu ? Tu as donc un moyen ?…

LA RANCUNE.

Vous allez commencer par vous éclipser tous les deux ; moi, je surveillerai le Ragotin, je me charge de le décourager, et, dès que je l’aurai fait déguerpir, vous pourrez revenir parmi nous ; vous pourrez nous rejoindre au château, où nous allons jouer la comédie.