Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/115

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pénétré non seulement d’une admiration profonde, mais d’une ardente sympathie pour le puissant et original écrivain qui venait de lui être révélé. Charles Asselineau lié intimement, dès 1845, avec Baudelaire, a décrit, en quelques pages qui sont peut-être les plus intéressantes de son livre, l’enthousiasme et le labeur de son ami.

Ce fut une véritable « possession ». Il ne pouvait plus penser qu’à Poe, parler que de Poe ; la gloire du conteur américain le souciait plus que la sienne propre. Il vouait à Willis et à Maria Clemm, à l’apologiste et à « l’ange gardien » de son double d’outre-océan, une reconnaissance passionnée. À tout venant, où qu’il se trouvât, il s’enquérait si on avait lu son auteur, et parfois il entrait dans une véritable colère si on l’ignorait.


« Je l’accompagnai un jour à un hôtel du boulevard des Capucines, où on lui avait signalé l’arrivée d’un homme de lettres américain, qui devait avoir connu Poe. Nous le trouvâmes en caleçon et en chemise, au milieu d’une flottille de chaussures de toutes sortes qu’il essaya/t avec l’assistance d’un cordonnier. Mais Baudelaire ne lui fit pas grâce : il fallut, bon gré mal gré, qu’il subit l’interrogatoire, entre une paire de bottines et une

    laire, qui employa plusieurs années de sa vie en efforts pour identifier son esprit avec celui de Poe, son idole, et reproduisit nombre de ses nouvelles en ne leur faisant perdre que peu de leur vigueur et de leur originalité. C'est aux efforts et au génie de Baudelaire qu’est dû surtout ce fait que les Contes d’Edgar Poe sont devenus, en France, des modèles classiques. Edgar Poe est (chose à noter) le seul écrivain américain réellement connu et populaire en France. »