Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/118

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Quant à cette affinité de nature et d’idées avec Poe, dont il cite une preuve si frappante, elle explique la valeur exceptionnelle de sa traduction. Son imagination l’ayant initié, par avance, à l’intelligence de son auteur, il put atteindre à cette perfection que les maîtres de la critique ont unanimement reconnue.

Le premier morceau qu’il traduisit, Révélation magnétique, parut dans la Liberté de penser (numéro de juillet 1848) au lendemain des journées de juin. Aucun obstacle, ni les préoccupations politiques, ni la pau-

    humaine. On rencontre sans doute, dans les listes de titres, l’indication de quelques thèses philosophiques telles que la théorie du sacrifice, ou la légitimation de la peine de mort. Mais les peintures des crimes effroyables, des vices repoussants, des corruptions raffinées auraient été beaucoup plus nombreuses, comme le prouvent ces titres : les Enseignements d’un monstre, la Maîtresse vierge, le Crime au collège, les Monstres, les Tribades, l’Amour parricide, une Infâme adorée. Quelques-unes de ces nouvelles, le Monde sous-marin, les Mineurs, la Fin du Monde, auraient offert à la puissante imagination du poète des sujets de tableaux épiques empruntés à la civilisation et à la nature. Mais dans ses projets les plus caressés reparaît toujours une poursuite obstinée de l’étrange et de l’extraordinaire. C’est là une conséquence logique de sa théorie favorite de l’étonnement, dont il faisait un des éléments essentiels de la beauté en littérature.
    Ce que nous connaissons de ces projets de romans fait regretter que Baudelaire ne les ait pas mis à exécution. Un artiste si scrupuleux eût porté son inflexible probité littéraire, son acharnement à atteindre la perfection, dans un genre où l’originalité est le plus souvent sacrifiée à l’habileté du métier, à l’ambition des succès populaires.