Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/177

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En somme, Baudelaire sortait de la lutte sans attendre une défaite inévitable. L’honneur était sauf.

On peut supposer que, parmi les raisons qui lui faisaient désirer d’être admis à porter l’habit vert, Baudelaire avait particulièrement envisagé la manière de réhabilitation qui eût résulté, pour lui et son œuvre, d’un lustre quasi-officiel.

Le jugement qui l’avait condamné naguère pesait encore sur sa réputation. Des directeurs de journaux, qui n’exerçaient certes pas, d’habitude, sur les articles qu’on leur apportait, un contrôle bien rigoureux au point de vue de la pruderie, s’effarouchaient, — quand elles leur étaient offertes par Baudelaire, — de peintures de mœurs qui, signées de tout autre nom, auraient passé sans objection i . Et les pouvoirs publics, trois ans après le procès des Fleurs, s’en souvenaient assez pour refuser l’estampille aux Paradis artificiels (lettre du 18 août 1860).

Mais rien n’a jamais pu détourner Baudelaire de sa voie, et, quand il publia dans le Figaro (numéros des 26, 28 novembre et 3 décembre i863), le Peintre de la vie moderne y il loua son ami, M. Constantin Guys,

(1) Je me souviens d’avoir entendu Baudelaire se plaindre à Gustave Flaubert des sévérités du directeur littéraire d’un journal de la presse politique. On exigeait de lui des suppressions, dans le poème en prose intitulé Les Vocations. Il refusa de se soumettre à cette censure excessive, et ce très beau morceau ne parut que dix-huit mois plus tard, dans le Figaro du i/j février 18G4. V. encore les lettres du 18 août 18G0 et une lettre de SainteBeuve ("1862, non datée.)