Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/229

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lui ai nommé (toujours comme autrefois) ; mais quand je lui ai parlé de Richard Wagner et de Manet, il a souri d’allégresse.»

Poule t-Malassis lui répondit, quinze jours plus tard :

« Asselineau m’a donné, ces jours-ci, des nouvelles de notre pauvre ami Baudelaire, qui concordent avec les vôtres. Baudelaire est dans un état qui fait illusion à ceux qui le voient, mais son véritable état mental est bien douteux, bien énigmatique. Il a perdu la mémoire du langage et des signes figuratifs, et personne ne peut savoir jusqu’à quel point l’ensemble de son intelligence est affecté de sa paralysie partielle. La clinique de Trousseau contient sur son état un mot navrant : « Rappelez-vous, dit-il en voyant un aphasique qui » vous paraît en possession de son intelligence, quoiqu’il ait » perdu la faculté de s’exprimer, combien de fois vous avez dit, » à propos de certains animaux, qu’il ne leur manquait que la » parole (i). »

Son fils n’étant pas en état d’être transporté à Honfleur, M m0 Àupick revint s’installer près de lui, au printemps de 1867.

À cette époque, la marche fatale de la maladie alla s’accélérant. Vers le milieu du mois d’août, Asselineau écrivait à Poule t-Malassis :

« Les médecins et nous, ses amis, qui ne le voyons pas tous les jours, nous constatons, à chaque fois, la décadence. Depuis deux ou trois mois, il n’a plus voulu quitter son lit. Il est immobile et comme endormi, et ne témoigne plus que par des regards, hélas ! bien tristes, qu’il s’aperçoit de la présence de ses amis. Hier, après une absence de trois semaines, il ne m’a reconnu que par un regard d’une fixité navrante et n’a pu me donner la main qu’après que je l’ai eue dégagée de ses couvertures. On le veille toutes les nuits… »

) Lettre communiquée par M. Troubat.