Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/273

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n’avait-elle pas, elle aussi, ses rondes, ses blanches, ses noires, ses croches, ses doubles et ses triples croches, ses andante, ses rugissements et ses soupirs ! On avait beau dire et beau faire, un vers cornélien serait toujours plus sculptural qu’une statue, et la ciselure des mots l’emporterait éternellement sur la ciselure des métaux ou des marbres, et les peintres ne tireraient jamais de leurs palettes que des couleurs bien ternes à côté de celles que le poète, lui, peut extraire de son écritoire. Examinez : ce mot n’est-il pas d’un ardent vermillon, et l’azur est-il aussi pur, aussi bleu que celui-là ! Regardez : celui-ci n’a-t-il pas le doux éclat des étoiles amorales et celui-là la pâleur livide de la lune ? Et ces autres, où s’allument des scintillations égales à celles des crinières inextricables des comètes ? Et ces autres encore !… On y découvre les arborescences splendideset prodigieuses du soleil ! Les aveugles, seuls, sont dans l’impossibilité de distinguer cela. « ^ oyez, voyez donc ! » Et le puissant psalmiste, en proie à je ne sais quel accès lyrique, avait des gestes pompeux et des regards on ne peut plus extraordinaires. Evidemment, ce qu’il disait, il le sentait, il le voyait au delà, je ne sais où. Tout à coup, sa parole, éclatante et précipitée, devint plus lente et plus grave : il révéla la valeur morale des mots. Sérieusement, à son avis, il y en avait de charitables, il y en avait de haineux ; il en connaissait de lâches, de superbes, de fort ingénieux et de fort perfides ; il y en avait de petits, il y en avait de médiocres, il y en avait de grands ! « Ah ! vous riez ! Eh bien, riez à votre aise ; mais écoutez-moi, je le veux ! Il en est des mots, vous