Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/319

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Baudelaire lisait très bien ses vers, et les lisait sans se faire prier quand on le lui demandait, mais sans jamais le proposer. Il était en cela tout le contraire de Phiioxène Boyer qui invitait les gens à dîner et dépensait 5oo francs pour réciter ses vers depuis l’entremets jusqu’au dessert.

C’est à ces derniers dîners de Phiioxène, dans le temps du Feuilleton d’Aristophane (i), que Baudelaire, invité comme les autres pour servir d’intermède et de tremplin, récita pour la première fois ses vers en public, je veux dire en société. Ce qu’on lui redemandait le plus souvent, c’était le Vin de l’assassin, la Mendiante j % oiisse, Delphine et Hippolyte. À un souper où il récita le Vin de l’assassin, l’acteur Tisserant lui suggéra l’idée d’en faire une pièce en deux actes où lui, Tisserant, jouerait le principal rôle. Il fut quelque temps question de ce drame, intitulé longtemps YIvrogne, qui plus tard prit de plus grandes proportions. Il devait y avoir un décor de pont de mer, devant un cabaret de matelots, tout encombré de curiosités rapportées des îles, de perroquets, de singes, etc. C’était une scène d’ivrognerie maritime et soldatesque. J’ai vaguement souvenir que dans la dernière gestation le drame était devenu quelque chose comme un tableau d’ivrognerie cosmopolite. Rouvière devait prendre le rôle de l’ivrogne. Un jour que Baudelaire lui racontait une des principales scènes du rôle, où l’ivrogne, après avoir tué sa femme, éprouvait un

(i) Comédie en vers, écrite par Phiioxène Boyer en collaboration avec Théodore de Banville, et jouée à l’Odéon