Le labour fault[1] : plus ne convient qu’om rée[2],
Et[3] si faut-il labourer qui que soit,
Ou les barbiers de famine mourroit.
Mais[4] joie font des peaulx les pelletiers ;
Deuil feroient, qui les escorcheroit :
Pour ce, vous pri, gardez-vous des barbiers ! »
La chievre adonc respondit : « A estal[5]
Singes et loups ont ceste loy trouvée,
Et ces gros ours du lion curial,
Que de no poil ont la gueule estoupée[6],
Trop souvent est nostre barbe coupée
Et nostre poil[7], dont nous avons plus froit ;
Rere[8] trop pres fait le cuir estre roit[9] ;
Ainsi vivons envix[10] ou voulentiers :
Vive qui puet : trop sommes à destroit[11] :
Pour ce, vous pri, gardez-vous des barbiers ! »
CONSEIL À UN AMI SUR LE MARIAGE
A l’uis[12] ! — Qui est ? — Amis. — Que veuls ? —
Conseil. — De quoy ! — De mariage ;
Marier veuil. — Pourquoy te deuls[13] ?
Pour ce que n’ay femme en mesnage
Qui gouvernast et qui fust sage,
Bonne, belle et humble tenue,
- ↑ Le labourage manque, est urgent.
- ↑ Il ne faut plus tarder. Rée vient de réer, vieille forme qui a le sens d’enrayer.
- ↑ Et pourtant tout le monde doit labourer.
- ↑ En attendant, les peaux font la joie des pelletiers, qui jetteraient pourtant de beaux cris si on les écorchait.
- ↑ C’est pour l’étable que ce régime a été imaginé par les singes, les loups et les gros ours (officiers) du lion de la
cour (le roi) - ↑ Pleine, obstruée.
- ↑ Ce qui fait que…
- ↑ Raser.
- ↑ Roide.
- ↑ C’est ainsi que nous vivons, à contre-cœur ou de bon gré.
- ↑ Dans la détresse.
- ↑ À la porte ! ouvrez !
- ↑ De quoi te plains-tu ?