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SEIZIÈME SIÈCLE.


Avec tous ces poètes qu’elle regrette, la poésie du Moyen-Age devait mourir, et elle devait entraîner, dans la nuit qui allait la saisir, le pauvre Le Maire de Belges.




SIMON BOUGOINC


A côté des vieillards vénérés et des illustres moris qui constituaient, si je puis dire, le cercle des poêles courtisans sous Louis XII, nous pouvons donner quelque place à de plus jeunes écrivains qui, approchant la personne du Roi et cultivant le poëme allégorique, — le plus noble, le mieux en Cour des genres poétiques alors connus, — surent y conserver, avec une allure chevaleresque, des sentiments délicats et élevés. Parmi eux, nous citerons Simon Bougoinc, valet de chambre de Louis XII. Il traduisit plusieurs des traités de Lucien, composa une pièce de théâtre, puis VEspinette du Jeune Prince, conquérant le Royaulme de Bonne Renommée. C’est un poëme allégorique un peu moins personnel que la Chasse d’amours, d’Octavien de Saint-Gelais, un peu moins varié que le Cueur d’amours espris, de René d’Anjou, mais aussi déclamatoire et aussi monotone que toutes les poésies de celte espèce, qui existèrent depuis le Romande la /îose jusqu’aux voyages du xvii" siècle dans le pays de Tendre. Nos lecteurs ont appris, auprès des poètes du xv* siècle, la méthode employée par tous les allégoriseurs. Simon Bougoinc la suivit docilement, en déployant cependant une réelle connaissance de la nature humaine. A l’aide d’une phraséologie incolore mais nette, il s’efforça de sacrifier l’amour à la morale ; il réussit, en effet, à rendre l’amour maussade ; quant à la morale, ses amis, ses rimeurs lui ont joué tant de méchants tours, — je parle du Moyen-Age, — que sa physionomie ne m’a point semblé particulièrement ennuyeuse dans cette Espinette. Les six chevaliers qui portent les couleurs de dame Raison et qui constituent la garde du Jeune Prince, messires Cueur Modéré, Sens Pourveu, Avoir Suffisant, Pouvoir Patient, Conseil Mesuré, Vouloir Asscuré, luttent du mieux qu’ils peuvent contre damoiselles Jeunesse, Folle Amour et Folie. Ces six prud’hommes se trouvent souvent en des positions pénibles, ils triomphent pourtant. Vénus et Cupide s’efforcent en vain d’empêcher le Jeune Prince d’arriver au château de Vertu auprès de dame Raison ; il conquiert enfin, en compagnie