Page:Crépet - Les Poëtes français, t2, 1861.djvu/286

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blance n’était qu’un jeu du hasard, mais, cette fois, le hasard avait bien joué. Si le vieux curé de Meudon et le jeune bailly de Verdun n’eurent point un berceau commun, ils n’en étaient pas moins de même race ; le même sang gaulois échauffait leurs veines ; tous les deux professèrent cette philosophie pantagruélique « confite en certaine gaieté d’esprit et en mépris des choses fortuites. »

François Rabelais, le maître, l’inimitable, comme l’appelait le seigneur des Accords, est connu de tous ; essayons de faire connaître l’un de ses dignes élèves, Estienne Tabourot, qui a été baptisé du nom de Rabelais de la Bourgogne.

Du Bellay, c’est lui qui le dit, « le premier travailla de manier les odes à la lyre ; » la sextine et le sonnet eurent Pontus de Thiard pour introducteur en France ; Dorat, le savant maître et le bienveillant patron des poètes de la renaissance, fut renommé pour son habileté dans l’anagramme ; l’un des brillants fleurons de la couronne brisée du tragique Jodelle était en petites pièces connues sous le nom de vers rapportés qu’il passe pour avoir essayés, un des premiers, en français, dans ce quatrain sur Marot dont il résume la vie et la mort agitées :

Quercy, la cour, le Piedmont, l’univers,
Me fit, me tint, m’enterra, me cogneut ;
Quercy, mon los, la cour tout mon temps eut,
Piedmont mes os, et l’univers mes vers.

Eh bien ! Tabourot, à lui seul, en a fait plus que tous ceux-ci ensemble. Il fut le collecteur studieux, le conservateur soigneux, le divulgateur ingénieux, le professeur joyeux de tous ces riens difficiles, de tous ces jeux de l’esprit, de tous ces petits tours de force poétiques et littéraires dans lesquels nos pères aimaient tant à dépenser leurs heures perdues et à oublier en riant leurs travaux et leurs soucis.

Équivoques latines et françaises, coq-à-l’àne, quolibets, calembours, rébus par lettres, chiffres, notes de musique ou mots superposés comme dans le suivant :

Pir vent venir,
Un vient d’un [1] ;


vers numéraux, macaroniques, rapportés, lettrisés, entrelardés et monosyllabiques ; échos, acrostiches, anagrammes, en un mot tous les

  1. Pour en obtenir le sens, il suffit d’ajouter la préposition sous à chaque mot
    de la seconde ligne, ce qui signifie : un soupir vient souvent d’un souvenir.