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ANTOINE GODEAU


1605 — 1672



Le clergé et l’épiscopat français ont, en tout temps, beaucoup donné à la littérature et à la poésie. Depuis Fortunat jusqu’au cardinal de Demis, combien ne compterait-on pas de prélats qui, parle génie ou le talent, par un savoir délicat ou par un goût judicieux, se placent de siècle en siècle à côté des grands écrivains et des grands poêles ! Davy Du Perron à côté de Ronsard, Bertaud auprès de Du Bellay, François de Sales au-dessus de d’Urfé, Pierre Camus à côté de mademoiselle de Scudery, Amyot près de Montaigne, Huet entre Bayle et Ménage, Fléchier non loin de Montesquieu, Fénelon au-dessus de tous ! Glorieux filon, étincelant dans sa diversité et qui montre qu’en France la conquête des âmes n’est jamais complète sans la domination des esprits. Filon brillant, disais-je, et dont, pour l’honneur de la France et de son Église, l’éclat est pur. Car, si, par le talent comme par la doctrine, l’épiscopat français marche de pair avec toutes les principautés intellectuelles du pays, le bon sens national, la passion de l’honneur et de l’estime publique l’ont sans cesse préservé des excès de l’imagination et de la débauche d’esprit. On ne trouverait pas chez nous de cardinal Bibbiena écrivant et faisant représenter des comédies obscènes.

Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence, et qui fut plus tard académicien, a conquis et doit garder sa place parmi les illustrations littéraires du clergé français : il l’a conquise comme littérateur et comme poëte, et comme poëte versifiant. Boileau, qui l’estimait, lui a reproché d’être toujours à jeun et de ne point s’échauffer assez. Quant à moi, qui viens de relire ses trois volumes de poésies chrétiennes, et qui serais peut-être embarrassé pour en multiplier les extraits, à cause d’une certaine monotonie de sentiment et de style que j’expliquerai