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DU BELLAY


1525 — 1560



« Ceux qui font une révolution sont toujours calomniés par ceux qui en profitent. »

M. Guizot, qui n’aime aucune sorte de révolutionnaires, a pourtant laissé un jour échapper cette parole de justice. Pourquoi ne la rappellerais-je pas à propos de Joachim Du Bellay, le plus élégant des poètes dont la littérature officielle de Louis XIV avait presque perdu jusqu’au souvenir ? Il a sa part de responsabilité dans la « belle guerre entreprise en 1549 contre l’ignorance des poètes[1], » puisqu’il en a écrit le premier manifeste, avec quelle furie gauloise, on le sait ; et s’il a été moins maltraité que Ronsard par les sévères justiciers du grand siècle, il s’est trouvé toutefois frappé par l’arrêt d’oubli porté contre les téméraires qui voulurent escalader l’Olympe.

Or, parcourez l’Illustration de la langue française, et cherchez de quel principe, qu’ils n’aient eux-mêmes accepté, Malherbe, Boileau et ses amis, peuvent faire un crime à la Pléiade. Ils ne lui reprochent pas, j’imagine, de recommander l’imitation des Grecs et des Latins ; car ils les ont eux-mêmes étudiés avec une prédilection qu’on a pu accuser, non sans apparence, d’être trop exclusive ; ils les ont imités partout, avec plus de retenue et plus de goût, je le veux bien, que ne l’avait fait Ronsard, mais avec une timidité un peu écolière, il faut le dire, et avec cette modestie qui est l’ornement des génies secondaires. Comme Du Bellay, ils ont conseillé sans relâche le travail qui choisit, qui abrège, qui exclut, qui polit ; ils l’ont poussé dans leurs écrits jusqu’au soin le plus méticuleux du détail, ils ont outré la sobriété

  1. Pasquier.