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SEGRAIS


1624 — 1701



Parmi les poëtes du xviie siècle, Segriais garde encore une place charmante. Il n’est certes pas au premier rang : mais celui qu’il occupe est fort enviable, surtout quand on songe à tant de beaux esprits célèbres de ce temps, que les révolutions du goût ont plongés subitement dans l’obscurité. Les écrivains que Boileau, le grand justicier, a déclarés indignes de leur gloire, ne sont aujourd’hui, malgré de vains essais de réhabilitation, que de simples curiosités de l’histoire littéraire. Inconnus du public, ils existent à peine pour les lettrés. Segrais a trouvé grâce auprès du terrible Despréaux :

Que Segrais dans l’églogue enchante les forêts !

C’est à ses églogues, en effet, que le poëte normand a dû son salut. Ni ses odes, ni ses chansons, ni ses madrigaux, ni ses sonnets, ni ses portraits, ni ses élégies ne l’auraient sauvé do la proscription, quoiqu’il y eût dans ces divers écrits beaucoup de facilité, d’esprit naturel, et un vrai talent de versificateur. Par ses églogues, il a heureusement attaché son nom à un genre, et, sans presque y songer, il s’est trouvé dans le grand courant, dans la tendance générale des classiques, comme Racine, Boileau,.La Fontaine, Molière, La Bruyère, qui tous poursuivaient le même but : la conquête des anciens par les modernes. L’esprit de Virgile a porté bonheur à Segrais. Cela lui a valu de passer à la postérité, avec un sauf-conduit de Boileau. Un vers de l’Art poétique l’a rendu sacré. On a regardé le chantre d’Amire et de Timarette, dès le xvii* siècle, comme un petit classique. Huet et Ménage ont célébré en vers latins le poëte bucolique, et le poëte bucolique seulement.