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SEIZIÈME SIÈCLE.

lique. Elles meurent de tristesse ou de fureur : mais leur chant de mort, si insensé qu’il paraisse, est une mélodie victorieuse qui enchante sans cesse les jeunes âmes, qui enflamme éternellement les jeunes imaginations.

Les Escrits de divers poètes à la louange de Louise Labé, lyonnoise, nous la montrent telle qu’il faut la voir, en sa triomphante jeunesse, à travers le mirage de l’adoration lyrique. Vingt poëtes en extase célèbrent à l’envi sa beauté :

Où prit l’enfant Amour le fin or qui dora
En mille crespillons ta tête blondissante ?
En quel jardin prit-il la rose rougissante,
Qui le lis argenté de ton teint colora ?
 La douce gravité qui ton front honora,
Les deux rubis balais de ta bouche alléchante.
Et les rais de cet œil qui doucement m’enchante.
En quel lieu les prit-il quand il t’en décora ?…

C’est un grand plaisir de les voir enchérir l’un sur l’autre, dans la peinture de leur divinité :

Celui qui voit ses yeux jumeaux,
Voit au ciel deux heureux flambeaux
Qui rendent la nuit plus sereine :
Et celui qui peut quelquefois
Écouter sa divine voix,
Entend celle d’une sirène.
..............
Celui qui contemple son sein,
Large, poli, profond et plein,
De l’Amour contemple la gloire…

Et les louanges ne se bornent pas seulement à sa beauté : elles célèbrent sa grâce « à chanter, baller, sonner. » Belle comme Vénus, blanche comme Phébé, docte comme Mercure, ainsi nous apparaît Louise, parcourant en déesse nonchalante ses immenses jardins de la place Bellecour !


Quand elle vint au monde dans la maison du cordier Charly, Charlieu ou Charlin, dit Labé, le poëte Marot avait trente ans, François Ier régnait dans ses palais italiens, le moyen âge vaincu s’effaçait devant les clartés de la Renaissance. On bataillait encore, mais on étudiait déjà comme on bataillait, avec une ardeur chevaleresque. Louise, à peine