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ANDRÉ CHÉNIER


1762 — 1794



André Chénier est presque notre contemporain. Le siècle où il a vécu, rêvé, chanté, le siècle qui l’a vu mourir d’une si noble mort, n’a pas reçu les confidences de cette âme douce et fière. C’est à notre époque encore voilée, que, du haut de l’échafaud, le jeune poëte a souri et tendu la main. Nous l’avons pieusement retrouvée dans les cendres du foyer de famille, cette lumineuse étincelle de génie qui devait enflammer tout notre ciel poétique. André Chénier, malgré la date de sa naissance et la date de son supplice, André Chénier, ressuscité comme Hippolyte dans sa divine jeunesse, le glorieux et charmant André Chénier nous appartient tout entier : car c’est nous qui l’avons aimé, adopté, honoré, comme un des plus purs et des plus aimables esprits de ce temps.

En lisant et relisant les belles choses mélodieuses qui sont aujourd’hui dans toutes les mémoires, j’ai souvent imaginé avec délices un André Chénier plus vraisemblable et plus vrai que celui de la tradition. Il me semble voir en lui un jeune Chateaubriand, fils de la Grèce, un Eudore né de René dans quelque belle île de l’Archipel, au moment où le grand Breton, rasséréné par le soleil de l’Attique, n’avait pas encore assombri sa pensée au pied du Calvaire. André revenait en France tout à coup, pendant que son père suivait en Palestine le chemin de la Croix, et là, sur ces plages de la Méditerranée, presque aussi belles que les rives du Bosphore, il enseignait divinement à ses aînés, à Lamartine, à Victor Hugo, à de Vigny, à Sainte-Beuve, les merveilles d’une poésie nouvelle, retrempée aux sources de l’antique. L’enfant inspiré, vêtu de