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SOUVENIRS

trouvai, sans m’en douter, partie nécessaire au procès qu’on poursuivit à l’Officialité Métropolitaine, et j’y comparus avec la Comtesse de Marsan, en vertu d’un Monitoire épiscopal et sous le secret de la confession. Je n’ai jamais rien vu de plus grandiose et de plus sévèrement imposant que toute cette procédure mystérieuse au pied d’un tribunal ecclésiastique !

Les parens de la Maréchale étaient mécontens de la sentence et surtout de l’interdiction sacramentelle ; mais s’ils avaient connu la vérité, ils auraient certainement rendu grâce à la charité pastorale, à la délicatesse, à la sollicitude attentive de ces deux Prélats. Ceux-ci n’opposèrent à l’improbation de la Cour et aux criailleries du philosophisme que le silence et la résignation la plus angélique.

Si l’on n’avait pas vécu familièrement avec la Maréchale de Noailles, on ne se serait jamais douté que c’était une folle, et qu’elle entretenait une correspondance épistolaire avec la Sainte-Vierge et les Patriarches. Elle allait déposer ses épitres dans le haut d’un pigeonnier, à l’hôtel de Noailles ; et comme elle y trouvait toujours des réponses à toutes ses lettres, on a supposé que c’était son aumônier qui les écrivait. L’aumônier de la Maréchale était le fameux abbé Griselet.

Elle était quelquefois un peu choquée du ton de familiarité que la Vierge Marie prenait avec elle : — Ma chère Maréchale, et à la troisième ligne, disait-elle avec un air aigre-doux ; il faut convenir que le formulaire est un peu familier de la part d’une petite bourgeoise de Nazareth ; mais il ne faut pas être exi-